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CONCLUSION 447

Comme le lustre est le personnage principal du théâtre, la fleur de narcisse, sœur du Nénuphar blanc, apposait une présence idéale aux mardis de Mallarmé. Le Traité du Narcisse, d’André Gide, le poème de Paul Valéry, puis une exploitation devenue banale, fourni- raient la matière d’un curieux chapitre d’histoire litté- raire. Et l’une des sources est dans Hérodiade. Sertie en joyaux parnassiens ou romantiques, avec quelques ré- miniscences de Salammbô et d’Hèrodias, l’idée plas- tique du poème nécessitait une princesse d’Orient ; mais conçue en musique et en fluidité, parente de Y Après- Midi d’un Faune, elle eût appelé harmonieusement quelque utilisation du mythe grec. Seulement Hérodiade figura pour Mallarmé, au moment où il l’écrivit, Une image de solitude littéraire — il la pressentait venir — plutôt que de solitude métaphysique. Et le dernier vers, peut-être aussi la suite manuscrite, amorcent, en une sorte de velléité idéologique, cette courbe même qui fit, aux symbolistes, outrepasser un narcissime nécessaire- ment transitoire.

Dans ce mythe de Narcisse, on a vu — André Gide par exemple — une figure de l’idéalisme, et par là son emploi se relie bien à Villiers et à Mallarmé. Le symbo- lisme, si l’on veut, procède de l’idéalisme, comme le Par- nasse d’un réalisme sensible. Ce petit livre — le Traité du Narcisse — me paraît fort significatif de l’atmos- phère mallarméenne. Je goûte ces jolies variations ’.

« Tout s’efforce vers sa forme perdue ; elle apparaît, mais salie, gauchie, et qui ne se satisfait pas, puisque toujours elle recommence ; pressée, heurtée par les formes d’auprès qui s’efforcent aussi chacune de pa- raître, — car être ne suffit plus, il faut que l’on se prouve — et l’orgueil infatué chacune...

« Narcisse se dit que le baiser est impossible, — il ne faut pas désirer une image ; un geste pour la posséder la déchire. Il est seul — que faire ? contempler \ &

2, Philoctétê, p. 8i et 89..