Page:Thiers Adolphe - Histoire de la Révolution française t1 (1839).pdf/285

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avec opiniâtreté, et réussit. Huit cents millions d'assignats furent décrétés ; et cette fois il fut décidé qu'ils ne porteraient pas intérêt. Il était inutile en effet d'ajouter un intérêt à une monnaie. Qu'on fasse cela pour un titre qui ne peut circuler et demeure oisif dans les mains de celui qui le possède, rien n'est plus juste ; mais pour une valeur qui devient actuelle par son cours forcé, c'est une erreur que l'assemblée ne commit pas une seconde fois. Necker s'opposa à cette nouvelle émission, et envoya un mémoire qu'on n'écouta point. Les temps étaient bien changés pour lui, et il n'était plus ce ministre à la conservation duquel le peuple attachait son bonheur, un an auparavant. Privé de la confiance du roi, brouillé avec ses collègues, excepté Montmorin, il était négligé par l'assemblée, et n'en obtenait pas tous les égards qu'il eût pu en attendre. L'erreur de Necker consistait à croire que la raison suffisait à tout, et que, manifestée avec un mélange de sentiment et de logique, elle devait triompher de l'entêtement des aristocrates et de l'irritation des patriotes. Necker possédait cette raison un peu fière qui juge les écarts des passions et les blâme ; mais il manquait de cette autre raison plus élevée et moins orgueilleuse, qui ne se borne pas à les blâmer mais qui sait aussi les conduire. Aussi, placé au milieu d'elles, il ne fut pour toutes qu'une gêne et point un frein. Demeuré sans amis depuis