Page:Thiers Adolphe - Histoire de la Révolution française t1 (1839).pdf/308

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faire. » De nouveaux murmures s'élèvent à gauche. « Silence aux trente voix ! s'écrie l'orateur en fixant ses regards sur la place de Barnave et des Lameth. Enfin, ajoute-t-il, si l'on veut, je vote aussi l'ajournement, mais à condition qu'il soit décrété que d'ici à l'expiration de l'ajournement il n'y aura pas de sédition. » Des acclamations unanimes couvrent ces derniers mots. Néanmoins l'ajournement l'emporte, mais à une si petite majorité, que l'on conteste le résultat, et qu'une seconde épreuve est exigée.

Mirabeau dans cette occasion frappa surtout par son audace ; jamais peut-être il n'avait plus impérieusement subjugué l'assemblée. Mais sa fin approchait, et c'étaient là ses derniers triomphes. Des pressentimens de mort se mêlaient à ses vastes projets, et quelquefois en arrêtaient l'essor. Cependant sa conscience était satisfaite ; l'estime publique s'unissait à la sienne, et l'assurait que, s'il n'avait pas encore assez fait pour le salut de l'état, il avait du moins assez fait pour sa propre gloire. Pâle et les yeux profondément creusés, il paraissait tout changé à la tribune, et souvent il était saisi de défaillances subites. Les excès de plaisir et de travail, les émotions de la tribune, avaient usé en peu de temps cette existence si forte. Des bains qui renfermaient une dissolution de sublimé avaient produit cette teinte verdâtre qu'on attribuait au