Page:Thiers Adolphe - Histoire de la Révolution française t1 (1839).pdf/426

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aristocrates et de leurs contre-sens continuels, je ne prévoyais pas encore jusqu'où ils pouvaient aller.

« Lorsqu'on apprit la nouvelle de l'arrestation du roi à Varennes, le côté droit, dans les comités secrets, arrêta de ne plus voter, de ne plus prendre aucune part aux délibérations ni aux discussions de l'assemblée. Malouet ne fut pas de cet avis. Il leur représenta que tant que la session durerait et qu'ils y assisteraient, ils avaient l'obligation de s'opposer activement aux mesures attentatoires à l'ordre public et aux principes fondamentaux de la monarchie. Toutes ses instances furent inutiles ; ils persistèrent dans leur résolution, et rédigèrent secrètement un acte de protestation contre tout ce qui s'était fait. Malouet protesta qu'il continuerait à protester à la tribune, et à faire ostensiblement tous ses efforts pour empêcher le mal. Il m'a dit qu'il n'avait pu ramener à son avis que trente-cinq à quarante membres du côté droit, et qu'il craignait bien que cette fausse mesure des plus zélés royalistes n'eût les plus funestes conséquences.

« Les dispositions générales de l'assemblée étaient alors si favorables au roi, que, pendant qu'on le conduisait à Paris, Thouret étant monté à la tribune pour déterminer la manière dont le roi serait gardé (j'étais à la séance), le plus grand silence régnait dans la salle et dans les galeries. Presque tous les députés, même du côté gauche, avaient l'air consterné en entendant lire ce fatal décret ; mais personne ne disait rien. Le président allait le mettre aux voix ; tout à coup Malouet se leva, et, d'un air de dignité, s'écria : − Qu'allez-vous faire, messieurs ? Après avoir arrêté le roi, on vous propose de le constituer prisonnier par un décret ! Où vous conduit cette démarche ? Y pensez-vous bien ? Vous ordonneriez d'emprisonner le roi ! − Non ! Non ! s'écrièrent plusieurs membres du côté gauche en se levant en tu-