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par enchantement de dessous les selles ; et les valses, les cotillons et les galops se succédèrent sans interruption pendant plus d’une demi-heure.

La musique finie, le chef commence un discours qu’il termine en disant : Vous voyez devant vous des saints du dernier jour, des serviteurs de ce nouveau prophète ; il serait bon de leur donner le baiser de paix avant de les quitter ; surtout n’oubliez pas les jeunes filles. Allons, mes amis, faites comme moi.

Alors cette horde s’élance dans l’intérieur du camp et se dirige vers les femmes et les jeunes filles qui, en entendant la musique, étaient sorties des wagons pour mieux écouter.

Le chef, ayant remarqué Emily, s’avance vers elle pour l’embrasser ; déjà son bras est sur le point de l’entourer, et l’affront va se commettre, lorsqu’un violent coup de fouet, bien appliqué, lui fend le visage.

Surpris de cette attaque imprévue, il se retourne pour voir son agresseur, et aperçoit Gustave, un revolver d’une main et le fouet de l’autre, qui lui dit :

— Arrière, misérable, ou tu meurs.

— Ah ! c’est toi, jeune homme, dit le chef en essuyant le sang qui coulait sur sa figure ; cette fois tu vas me dire qui tu es.

— Je te dirai encore que cela ne te regarde pas, bandit ; va-t’en, te dis-je, ou une balle fera ton affaire, et il l’ajuste en pleine poitrine.

Le chef, voyant la partie trop mauvaise et s’apercevant que ses compagnons, qui n’avaient pas été mieux reçus que lui, s’enfuyaient au plus vite, tourna bride en jurant vengeance, et piqua son cheval pour rejoindre ses hommes.

M. Dumont, craignant leur retour, doubla la garde pendant plusieurs nuits de suite. Emily, revenue de sa frayeur, voulut témoigner sa reconnaissance à Gustave, mais celui-ci s’était empressé d’entrer dans sa tente pour échapper aux éloges que sa conduite avait mérités.