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ii. — rivalen et blancheflor

voyage, marquis, comtes, hauts barons du royaume) et aussi les princes des îles voisines ; avec eux, leurs femmes, leurs fils, leurs filles, comme l’avaient réglé dès longtemps les coutumes du pays. Tous ils parurent [G 527-30].au festin ordonné par le roi, et la compagnie s’assembla en Cornouailles dans une forêt, près d’un lac.

Auprès s’étendaient une vaste plaine et de belles prairies en fleurs. Pour la beauté de ces lieux, le roi Marke y fit dresser de grandes tentes, vertes, jaunes, bleues, rouges, parées et listées d’or, parmi les herbes odorantes et les fleurs fraîchement écloses. Alors les damoiseaux qui venaient d’être adoubés se livrèrent sans vilenie ni jalousie à des joûtes habiles : ils gagnaient ainsi la louange et l’amour des belles jeunes filles et des dames si courtoises assemblées à l’entour, sans nombre,S chap. IV.
[E 69-75].
dans des tentes ou sur le seuil des tentes, avec leurs maris ou leurs amis.

Quand le roi Marke vit l’assemblée si nombreuse et si belle, son cœur se gonfla de joie à la pensée qu’il était seul seigneur et roi sur ce pays puissant et riche, sur tout ce grand peuple de preux chevaliers et de dames courtoises. Aussi s’ingénia-t-il à rendre cette fête si belle que nulle auparavant n’en eût égalé la splendeur. Il fit commencer le festin, et offrit à tous ses hôtes les mets les plus rares. Après que le roi eut été servi avec honneur, tous les jeunes chevaliers se dirigèrent vers la plaine pour le tournoi. Ils mandent à leurs écuyers de les y suivre avec leurs chevaux ; bientôt les écuyers arrivent, menant les destriers et portant les armures. Les nouveaux chevaliers et tous les jeunes hommes s’arment, s’élancent, les freins abandonnés, et frappent de beaux coups pour l’amour des dames. Leurs armes portaient des connaissances, afin qu’on pût voir aussitôt lequel savait le mieux se comporter au tournoi. Mais Kanelangrès était le plus fort de tous et le plus habile en bataille ; mieux que tous il savait porter ses armes, et