Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/171

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place du côté des portes supérieures, qui conduisent à Potidée. C’était de ce côté qu’en dedans des murailles étaient déposées les armes des gens de Mendé et de leurs auxiliaires. Polydamas rangea ses troupes en bataille et leur donna l’ordre de sortir : mais un homme de la faction du peuple s’y opposa par esprit de sédition, leur soutenant qu’ils ne sortiraient pas, et qu’il ne fallait pas combattre. Polydamas répliquait : cet homme porta sur lui la main, le tirailla, le secoua, et le peuple aussitôt s’emparant des armes, courut dans sa colère aux Péloponnésiens et aux gens de leur parti, et se jeta sur eux brusquement : ceux-ci prirent la fuite ; ils ne s’étaient pas attendus à cette attaque soudaine ; ils voyaient les portes s’ouvrir aux Athéniens, et ils pensèrent que ce coup de main avait été prémédité avec eux. Ceux qui ne furent pas tués sur la place gagnèrent la citadelle qu’ils occupaient auparavant. Cependant Nicias était revenu du côté de la ville ; toute l’armée athénienne y entra. Comme la place ne s’était pas rendue par composition, ils s’y comportèrent comme dans une ville prise d’assaut, et la mirent au pillage. Ce fut même avec peine que les généraux empêchèrent de tuer les habitans. Ils leur ordonnèrent de se gouverner à l’avenir suivant leur ancien régime, et de juger eux-mêmes les citoyens qu’ils regarderaient comme les auteurs de la défection. Ceux qui étaient renfermés dans la citadelle furent investis, des deux côtés, d’une muraille qui se terminait à la mer, et l’on y mit des gardes. Après avoir réduit Mendé sous leur puissance, les Athéniens se tournèrent du côté de Scione.

CXXXI. Les Péloponnésiens firent une sortie, et campèrent hors de la ville sur une colline forte par sa propre situation, et dont les ennemis étaient obligés de s’emparer avant d’investir la place. Mais les Athéniens les attaquèrent de vive force, et repoussèrent ceux qui vinrent les combattre. Ils prirent leurs campemens, dressèrent un trophée, et se disposèrent à construire un mur de circonvallation. Mais peu après, et tandis qu’ils étaient occupés de ce travail, les auxiliaires assiégés dans la citadelle de Mendé forcèrent la garde du côté de la mer, mirent en fuite presque tout le camp des assiégéans, et entrèrent dans la place.

CXXXII. On travaillait à la circonvallation de Scione[1], quand Perdiccas, par le ministère d’un héraut, conclut un accommodement avec les généraux Athéniens. Il avait entamé cette négociation par haine pour Brasidas, dès que ce général s’était retiré de la Lyncestide. Ischagoras se préparait alors à conduire par terre une armée à Brasidas : dès que l’accord fut conclu, Nicias exigea de Perdiccas que, pour preuve de sa bonne foi, il rendît ouvertement aux Athéniens quelque service, et cette demande s’accordait avec les intentions du prince, qui ne voulait plus que les Lacédémoniens entrassent dans son pays. Il s’adressa dans la Thessalie aux hommes les plus puissans de la nation, avec qui, de tout temps, il avait eu des liaisons d’hospitalité. Par leur moyen, il arrêta la marche et toutes les opérations des troupes du Péloponnèse, qui ne voulurent pas même tenter d’avoir affaire aux Thessaliens.

Cependant Ischagoras, Aminias et Aristée se rendirent personnellement auprès de Brasidas. C’était les Lacédémoniens qui les envoyaient observer l’état des choses, et ils firent même, contre l’usage, partir de jeunes Spartiates pour leur donner le commandement des villes, et empêcher qu’on n’en revêtît des hommes pris au hasard. Cléaridas, fils de Cléonyme, eut le gouvernement d’Amphipolis, et Épitélidas, fils d’Hégésander, celui de Toroné.

CXXXIII. Ce fut dans ce même été que les Thébains accusèrent les habitans de Thespies de favoriser les Athéniens, et qu’ils rasèrent les murailles de cette ville. Ils avaient eu de tout temps ce dessein, et l’exécution en était devenue plus facile depuis que, dans le combat contre les Athéniens, Thespies avait perdu la fleur de sa jeunesse. Ce fut aussi dans cette saison que le temple de Junon à Argos fut détruit par le feu. Cet accident fut occasioné par l’imprudence de la prêtresse Chrysis, qui plaça, près d’une guirlande, une lampe allumée, et se laissa surprendre par le sommeil. L’incendie gagna sans qu’on s’en aperçût, et tout fut consumé. Elle-même, dans la crainte des Argiens, s’enfuit aussitôt à Philonte pendant la nuit. Ils établirent une autre prêtresse suivant la loi : elle s’ap-

  1. Neuvième année de la guerre du Péloponnèse, deuxième année de la quatre-vingt-neuvième olympiade, quatre cent vingt-trois ans avant l’ère vulgaire. Avant le 3 octobre.