Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/353

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{{tiret2|comman|dait} une cavalerie peu nombreuse, voyant cette déroute des Sicyoniens, leur ôta leurs boucliers, fit attacher leurs chevaux à des arbres, et suivi de volontaires, marcha contre les Argiens, qui, à la vue de boucliers marqués de la lettre S, crurent avoir affaire aux Sicyoniens qu’ils méprisaient. Argiens, s’écria alors Pasimaque, je vous le jure par Castor et Pollux, ces S vous tromperont. En même temps il fondit sur eux ; et comme il n’opposait que peu d’hommes à beaucoup, il resta sur le champ de bataille, lui et toute sa troupe.

Quant aux bannis de Corinthe, après avoir renversé tout ce qui se présentait devant eux, ils montèrent près des murs de la ville, tandis que les Lacédémoniens, avertis de la défaite des Sicyoniens, sortirent pour les secourir, s’assurant de la palissade qui était à leur gauche. Les Argiens, les apercevant à dos, se retournent et quittent la palissade ; les derniers d’entre eux, qui couraient à droite et désarmés, furent taillés en pièces par les Lacédémoniens ; mais ceux qui étaient près de la muraille, se retirèrent en foule vers Corinthe. Là, ils rencontrèrent les bannis, qu’ils reconnurent ; nouvel échec : les uns, avec des échelles, montaient sur les murs, en tombaient et se tuaient ; les autres, harcelés, frappés sur les échelles, y perdaient la vie ; d’autres s’écrasaient, s’étouffaient sur des monceaux de cadavres.

Les Lacédémoniens frappaient sans relâche ; car la Divinité leur accorda un bonheur qui, certes, surpassa leur attente. En effet, qu’une nombreuse armée soit tombée en leur puissance, tremblante, éperdue, désarmée, n’imaginant rien pour sa défense, faisant tout pour sa ruine ; qui ne reconnaîtra dans cet événement quel que chose de surnaturel ? En peu de temps il périt tant d’hommes, que l’œil étonné n’aperçut plus que des cadavres amoncelés où l’on avait coutume de voir des monceaux de blé, de pierres et de bois. Les Bœotiens, en garnison au port, furent aussi tués, les uns sur le mur, les autres sur les toits des arsenaux où ils étaient montés. Tandis que les Corinthiens et les Argiens enlevaient leurs morts à la faveur d’une trêve, arrivèrent les alliés des Lacédémoniens. Après les avoir rassemblés, Praxitas fit abattre un pan du mur, pour livrer passage à ses troupes, avec lesquelles il prit le chemin de Mégare. Il s’empara d’abord de Sidonte, ensuite de Crommyon, laissa garnison dans ces deux places, à son retour fortifia Épiécée pour servir de rempart aux frontières de ses alliés, licencia ses troupes et se retira à Lacédémone.

Depuis, les grandes expéditions n’eurent plus lieu ; mais de part et d’autre ou envoyait des garnisons à Sicyone et à Corinthe, et l’on ne laissait pas de se battre avec acharnement par l’entremise des troupes soldées.

Iphicrate assaillit Phlionte qu’il fourragea, suivi d’une poignée d’hommes. Ceux de la ville accoururent împrudemment et perdirent tant de monde dans une embuscade, que les Phliasiens, épouvantés de ceux de Corinthe, invoquèrent le secours des Lacédémoniens, pour leur confier la ville et la citadelle ; eux qui naguère fermaient leurs portes à ces mêmes Lacédémoniens, dans la crainte qu’ils ne ramenassent les bannis, qui n’attribuaient leur exil qu’à leur attachement à Sparte. Les Lacédémoniens, quoique affectionnés envers les bannis, loin de parler de leur rappel tant qu’ils restèrent les maîtres, rendirent au contraire aux Phliasiens leur ville, dès qu’ils les crurent en force, et se retirèrent avec la garnison, sans avoir porté atteinte à leurs lois.

Iphicrate fit aussi des courses en plusieurs endroits de l’Arcadie. Il saccageait le territoire, il approchait même des murailles des villes, sans que les hoplites arcadiens osassent se montrer, tant ils redoutaient ses peltastes. Ceux-ci, de leur côté, craignaient tellement les hoplites lacédémoniens, qu’ils ne les approchaient jamais à la portée du trait ; ils se rappelaient qu’un jour une poignée de jeunes Lacédémoniens leur en avait pris et tué quelques-uns. Si Sparte méprisait cette infanterie légère, elle n’estimait pas plus celle de ses propres alliés ; car les Mantinéens, ses auxiliaires, ayant fait une sortie contre des peltastes, furent accablés de traits lancés du haut des murs qui aboutissent au Léchée ; ils plièrent et perdirent des leurs dans la retraite : aussi les Lacédémoniens, disaient ils plaisamment, même de ces alliés, qu’ils craignaient autant les peltastes que les petits enfans craignent les spectres.

Après être partis du Léchée, avec une more et les bannis de Corinthe, les Lacédémoniens investirent de toutes parts cette dernière ville. Les Athéniens qui redoutaient leurs forces, pen-