Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/369

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conduit droit à la citadelle. Il y établit Phébidas et ses soldats, lui donne les clefs, avec défense de ne laîsser entrer personne qu’avec une permission expresse, et il va trouver les sénateurs.

« Thébains, leur dit-il, ne soyez point effrayés de voir votre citadelle occupée par les Lacédémoniens ; ils vous annoncent qu’ils ne sont ennemis que de ceux qui désirent la guerre. Pour moi, en vertu de la loi qui permet au polémarque de s’assurer de quiconque commet des actions dignes de mort, je fais arrêter Isménias, comme cherchant à nous mettre en guerre. Lochages, et vous, soldats, levez-vous et saisissez vous de la personne d’Isménias, et menez-le au lieu désigné. »

Ceux qui trempaient dans le complot s’approchent, obéissent, saisissent Isménias : les citoyens qui ne savaient rien, mais qui s’étaient montrés contraires à la faction léontiade, s’enfuirent de la ville, dans la crainte d’ètre massacrés ; quelques-uns s’étaient d’abord retirés chez eux ; mais sur la nouvelle de l’emprisonnement d’Isménias, ils se réfugièrent à Athènes, au nombre de quatre cents. Après la nomination d’un polémarque à la place d’Isménias, Léontiade partit pour Lacédémone. Il y trouva les éphores et le peuple très indisposés contre Phébidas, qui n’avait pas suivi les ordres de la république. Agésilas dit qu’il méritait punition s’il avait causé quelque préjudice à Lacédémone ; mais que s’il l’avait servie, de pareils coups de main étaient tolérés par un ancien usage. Voici donc l’état de la question : la prise de la citadelle est-elle utile ou désavantageuse ? Léontiade se montrant alors, parla en ces termes :

« Lacédémoniens, dit-il, vous étes convenus vous-mêmes que les Thébains ne cherchaient qu’à vous nuire avant qu’on se fût emparé de leur citadelle. Vous avez vu qu’ils se sont toujours comportés en amis avec vos ennemis, en ennemis avec vos amis. N’ont-ils pas refusé de marcher contre vos adversaires les plus acharnés, contre le peuple d’Athènes, qui occupait le Pirée ? N’ont-ils pas attaqué les Phocéens, parce qu’ils les voyaient bien intentionnés pour vous ? ils ont même fait alliance avec Olynthe, parce qu’ils savaient que vous lui déclariez la guerre. Vous vous attendiez toujours au moment où l’on dirait qu’ils s’étaient soumis de force la Bœotie. À présent que la citadelle est occupée par vos armes, vous n’avez plus à redouter Thèbes : afin qu’elle vous fournisse ce que vous exigerez d’elle, une simple scytale vous suffira, pourvu toutefois que vous soyez aussi attentifs à nous soutenir, que nous l’avons été à ménager vos intérêts. »

Ce discours entendu, l’assemblée arrêta que l’on garderait la citadelle puisqu’elle était prise, et qu’on ferait le procès à Isménias ; en sorte qu’on envoya trois juges de Lacédémone, avec un de chaque ville alliée, grande ou petite. Les juges siègent : on accuse Isménias d’avoir favorisé les Barbares au préjudice des Grecs, contracté étroite alliance avec le roi de Perse, partagé son or ; enfin, de s’être, avec Androclide. montré le principal auteur des troubles de toute la Grèce.

Isménias se défendit bien, mais sans écarter les soupçons d’ambition et de malveillance : on le condamna à mort ; il subit son jugement. Les partisans de Léontiade, devenus maîtres de Thèbes, faisaient pour les Lacédémoniens plus encore qu’on ne leur commandait.

Assurés de leur conquête, les Lacédémoniens s’occupèrent avec plus d’ardeur de la guerre d’Olynthe. Ils firent partir Téleutias en qualité d’harmoste, l’autorisant à une conscription de dix mille hommes. La scytale envoyée aux villes alliées leur ordonnait de suivre Téleutias, conformément au décret ratifié par les alliés. Il n’était pas ingrat envers ceux qui le servaient : on le suivit donc volontiers. Les Thébains lui envoyèrent, parce qu’il était frère d’Agésilas, des hoplites et des cavaliers. Il marchait à petites journées, autant pour grossir son armée que pour empêcher toute hostilité en pays ami. Il dépêcha aussi vers Amyntas ; il lui conseillait de lever des troupes, et d’engager, à force d’argent, les rois voisins dans sa défense, s’il voulait recouvrer ses états. Il envoya même vers Derdas, prince d’Élimie, pour lui représenter que les Olynthiens, après avoir soumis la Macédoine, monarchie imposante, ne laisseraient en paix aucune puissance inférieure, si l’on ne réprimait leur insolence.

En suivant ce plan, il arrive avec de grandes forces sur les terres de leurs alliés ; il entre dans Potidée, et de là, avec ses troupes rangées en bataille, sur le territoire ennemi. En allant à Olynthe, il n’employait ni le fer ni le feu ; il