Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/61

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buscades à ceux des Platéens qui se trouvaient hors de la ville. Il y en avait dans les campagnes avec leurs effets, comme il arrive en un temps de paix où l’on vit dans la sécurité. Ils voulaient que ceux qu’ils pourraient prendre leur répondissent des leurs qui étaient dans la ville, s’il en restait à qui l’on eût laissé la vie. Tel était leur dessein. Ils délibéraient encore, quand les Platéens, se doutant du parti que prendraient les ennemis, et craignant pour ce qu’ils avaient de citoyens au dehors, firent partir un héraut, et le chargèrent de dire aux Thébains que c’était une impiété d’avoir essayé de prendre leur ville en pleine paix ; qu’ils eussent a ne faire aucun mal aux gens du dehors, s’ils ne voulaient qu’on donnât la mort aux prisonniers ; mais qu’on les leur rendrait s’ils quittaient le territoire.

Voilà du moins ce que racontent ceux de Thèbes, et ils ajoutent même que les Platéens jurèrent cette convention. Ceux-ci n’avouent pas qu’ils eussent promis de rendre les prisonniers : ils prétendent qu’ils étaient seulement entrés en conférence pour essayer d’en venir à un accord. et ils nient qu’il ait été fait de serment. Ce qu’il y a de certain, c’est que les Thébains sortirent du territoire de Platée, sans y faire aucun mal, et que les Platéens n’eurent pas plus tôt transporté à la hâte dans la ville tout ce qui se trouvait dans la campagne, qu’ils massacrèrent leurs prisonniers. Il y en avait cent quatre-vingts. De ce nombre était Eurymaque, à qui les traîtres s’étaient adressés.

VI. Après cette exécution, ils firent partir un messager pour Athènes, traitèrent avec les Thébains pour leur permettre d’enlever leurs morts, et firent dans leur ville les dispositions qu’ils crurent nécessaires.

Dès qu’on eut annoncé à Athènes ce qu’avaient fait les Platéens, on arrêta tout ce qui se trouvait de Bœotiens dans l’Attique, et l’on envoya un héraut à Platée, porter la défense de prendre aucun parti sur les Thébains qu’ils avaient en leur pouvoir, qu’Athènes n’eût elle-même statué sur leur sort ; car on n’y avait pas annoncé qu’ils n’étaient plus : le premier message était parti aussitôt après l’arrivée des Thébains, et le second au moment où ils venaient d’être vaincus et arrêtés. On ne savait encore à Athènes rien de ce qui avait suivi ; et c’était dans cette ignorance qu’on avait fait partir le héraut. A son arrivée, il trouva les prisonniers égorgés. Les Athéniens vinrent ensuite en corps d’année à Platée, y portèrent des subsistances, y laissèrent une garnison, et emmenèrent les hommes inutiles, avec les femmes et les enfans.

VII. Cet événement de Platée devenait une rupture ouverte de la trêve, et les Athéniens se préparèrent à la guerre. Les Lacédémoniens et leurs alliés firent aussi leurs préparatifs, et l’on se disposa des deux côtés à envoyer au roi et dans d’autres pays barbares, suivant que chaque parti espérait en tirer quelques secours. Ils firent entrer aussi dans leur alliance les villes qui étaient hors de leur domination. Indépendamment des vaisseaux que les Lacédémoniens avaient dans le Péloponnèse, il fut ordonné, dans l’Italie et dans la Sicile, aux villes qui étaient de leur parti, d’en fournir en proportion de leur grandeur jusqu’au nombre de cinq cents ; de préparer une somme d’argent déterminée, de se tenir d’ailleurs en repos, et de ne recevoir à la fois dans leurs ports qu’un seul vaisseau d’Athènes, jusqu’à ce que tous les apprêts fussent terminés. Les Athéniens firent le recensement des alliés sur lesquels ils devaient compter, et envoyèrent surtout des députés dans les pays qui entourent le Péloponnèse, à Corcyre, à Céphalénie, chez les Acarnanes, à Zacynthe, pour savoir s’ils pouvaient se fier à leur amitié dans le dessein où ils étaient d’attaquer de toutes parts le Péloponnèse.

VIII. Les deux partis ne prenaient que des mesures vigoureuses. C’était de toutes leurs forces qu’ils se préparaient aux combats ; et cela devait être, car c’est toujours en commençant qu’on a le plus d’ardeur. Faute d’expérience, une jeunesse nombreuse à Athènes se faisait alors une joie de tâter de la guerre. Au spectacle de cette fédération des villes principales, les esprits s’exaltaient dans le reste de la Grèce. Ce n’était, dans celles qui allaient combattre, et ailleurs, que gens qui répétaient des oracles, que devins qui chantaient des prédications. Délos, peu auparavant, avait été ébranlée par un tremblement de terre ; et aussi haut que remontât la mémoire des Grecs, elle n’en avait pas éprouvé d’autre ; on disait et l’on crut que c’était un présage de ce qui devait se passer. On faisait une curieuse recherche de tous les événemens de ce genre qui avaient pu arriver. Les esprits étaient géné-