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avant l’amour

où se mêlaient la religion de l’habitude, l’effroi du deuil récent, une antipathie inexplicable pour cette élégance, cette poudre de riz, ces grâces maniérées, me fit détourner la tête. Je me rapprochai de mon parrain et je fondis en larmes.

La dame blonde restait consternée. Pendant que M. Gannerault, ému, me consolait, cherchant de douces paroles : » Marianne, voyons, Marianne, mon enfant ! » un désespoir puéril, immense, me secouait. Maman, maman ! Non, je ne pourrais pas, je ne voulais pas l’appeler maman, cette dame trop grande, trop belle, trop élégante, près de qui j’allais vivre désormais. Il demeurerait, le nom cher et sacré, premier balbutiement des lèvres innocentes, à la pauvre morte endormie dans le cimetière d’Auray. Ce nom l’évoquait tout entière, mince, blanche sous ses bandeaux noirs, l’air délicat, la voix faible et douce, telle que je la voyais tout le jour assise à son bureau avec ses livres, ses papiers, son menu bagage d’institutrice étalé devant elle. Car elle était institutrice et