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avant l’amour

Le givre embaumé des arbres s’effeuilla. Mai, le mois virginal, épanouit les lilas et les jacinthes. Toute la gamme délicate du violet au mauve chanta dans les verts plus intenses des jardins. Et quand les jeunes blés ondulèrent sur les sillons, d’imprécises nostalgies me reprirent.

La sérénité fit place à une humeur inégale et tourmentée. J’eus des oppressions et des battements de cœur. Le bon vieux médecin de Montfort, qui me soignait, m’ordonna quelques remèdes, un régime dont je n’éprouvai d’ailleurs aucun bien. Alors, il dit à ma marraine :

— Cette jeune fille s’ennuie. Vous devriez la marier. Je connais un garçon charmant qui l’a entrevue à Montfort et ne l’a pas oubliée. Il me parle quelquefois de la petite brune aux yeux bleus. Je pense qu’il passerait sur les accidents de l’origine et l’absence de dot, car lui-même est fils naturel, ce qui ne l’empêche pas d’être arrivé à une belle situation. Voulez-vous que je vous présente mon ami ?