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avant l’amour

Cependant, l’encens, les fleurs, les harmonies parlaient à mes sens délicats d’enfant précoce, si Dieu n’était point sensible à mon cœur. Le matin de ma première communion, je ne me vis pas sans émotion transfigurée dans les blancheurs transparentes qui baissaient autour de moi. Toute la famille était là : mon tuteur, ma marraine, quelques parents et amis des Gannerault convoqués pour la circonstance. Ô le clair, le gai matin de mai ! Le soleil riait aux vitraux et sur l’autel la flamme des cierges pâlissait, or atténué jusqu’à des douceurs d’étoile. Et nos lèvres chantaient le cantique d’amour :

Mon bien-aimé ne paraît pas encore…
Trop longue nuit, dureras-tu toujours ?
Rends-moi Jésus, ma joie et mes amours !…

Avec les autres, je chantais ces vers de Fénelon qui me charmaient par leur langueur profane. Un trouble se répandait en moi. Ce voile blanc, ces cérémonies, n’étaient-ce pas le simulacre des noces qui hantaient déjà nos imaginations d’enfant ? Pourquoi, quand les garçons