Page:Tinayre - Avant l amour.pdf/81

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
68
avant l’amour

des aspects imprévus. Tout était joie et bienveillance. Un souffle d’espoir m’emportait, légère, le cœur pénétré d’un fluide infiniment doux. Attendrie, dans l’attente d’un bonheur poignant, je souhaitais prolonger ce rêve où je vivais, et chaque soir me semblait effeuiller un des jours les plus radieux de ma jeunesse.

Un soir, Rambert se présenta chez nous et, dès l’étreinte de nos mains, je sentis que nos rapports d’étrangers sympathiques s’étaient transformés en rapports tout autres que je ne savais définir… Il avait apporté les Lieder de Schumann, les mélodies de Grieg, la partition de Lohengrin… Une impatience d’enfant me prit de déchiffrer cette musique toute nouvelle pour moi et qui m’était révélée par l’amour, au moment où j’étais capable enfin de la comprendre. Mais Rambert m’arrêta :

— Et l’air d’Amadis ? Vous oubliez vos promesses ?

Je dus me mettre au piano, un peu tremblante. Il m’écoutait comme un juge sévère à la fois et amusé.