Page:Tinayre - Avant l amour.pdf/82

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
69
avant l’amour

— Allons, du courage, mademoiselle Marianne… Ce n’est pas long… Six vers !… des vers de Quinault !…

Bois épais, redouble ton ombre !
Tu ne saurais être assez sombre,
Tu ne peux trop cacher mon malheureux amour.
Je sens un désespoir dont l’ardeur est extrême.
Je ne dois plus voir ce que j’aime !
Je ne peux plus souffrir le jour.

Je chantai tant bien que mal, d’une voix qui s’affermissait à mesure qu’elle s’élevait. Ma marraine, anxieuse, me faisait des petits signes. Rambert déclara :

— La voix est fort belle, étendue, vibrante… Mais, mademoiselle, l’expression n’y est pas, non, pas du tout.

Je le regardai :

— Évidemment… Que faites-vous du « désespoir dont l’ardeur est extrême » ? Un petit chagrin bien tranquille, une mélancolie bien résignée… Pensez donc, mademoiselle, que le monsieur qui va se cacher dans les bois épais « ne peut plus souffrir le jour… » Il voudrait s’enterrer. C’est très pathétique. .