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avant l’amour

— Parce que tu n’as pas ou presque pas de dot, ma petite amie, et que ta pauvreté rend plus ombrageux les épouseurs qu’effraye toujours l’irrégularité de la naissance.

Stupéfaite, je le regardai :

— Marianne, dit-il avec émotion, Dieu nous garde de juger les morts. Ta mère était la pureté, la loyauté, la bonté mêmes. Un homme a abusé de son inexpérience. Tu n’as pas de père, mon enfant…

Je comprenais… Toute pâle, je demandai :

— Je n’ai pas de père légal, soit. Mais celui dont vous parlez…

— Il est mort… Ton aïeul — dont tu dois ignorer le nom — a voulu réparer un abandon inique par l’offrande dérisoire de quelques milliers de francs. Ta mère, malade et désespérée, n’avait aucun moyen d’assurer ton avenir. Elle vint à moi, ton parrain, son ami dès son enfance, et je lui conseillai d’accepter… Tu devines le reste, Marianne. Tes souvenirs confus te représentent encore le couvent d’Auray, la vie cachée de cette malheureuse femme qui