Page:Tinayre - Gérard et Delphine - La Porte rouge.pdf/35

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Sur la route, au point convenu, la voiture attendait Delphine. Gérard la vit s’éloigner et disparaître.

Les roses du ciel s’étaient flétries. Du céleste jardin, il ne restait qu’une pourpre pâle et pure, et belle comme le souvenir, au-dessus de la forêt, brillait la première étoile.


Sevestre refit seul le chemin qu’il avait fait avec son amie et revint au pavillon. Dans la chambre assombrie, un tison, écroulé en braise, rougissait faiblement la blancheur d’un drap défait, et par tout le désordre charmant de l’amour était encore visible. Gérard se jeta sur la couche froissée. Aussi loin de la joie que de la tristesse, une profonde vibration emplissait son âme, l’allégeait, la soulevait vers un sommet de la vie, et c’était la musique du bonheur qu’il n’avait jamais entendue dans sa plénitude et sa pureté.

Il demeura longtemps perdu parmi les enchantements de l’ombre. Puis la mélodie intérieure s’évanouit. Gérard redescendit vers le réel. Il sut qu’il était seul, que Delphine, en ce moment même, traversait Paris, qu’elle serait bientôt dans cette maison de Versailles où il n’entrerait jamais qu’en étranger.

La douleur qui devait venir était proche. Il la repoussa. Il se refusait à souffrir. Sous sa joue, la toile encore tiède gardait l’odeur de la femme, l’odeur de fleurs et de miel qui rendit à Gérard sa jeune maîtresse, telle qu’il l’avait eue, liée à