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Hellé

vai rien que je n’eusse pu trouver dans les œuvres des joailliers poétiques célèbres depuis trente ans. Et ce que j’y cherchais, c’était l’âme de Clairmont elle-même.

Le second volume, publié sept ans plus tard, portait sur la feuille de dédicace un prénom de femme que je lus avec une curiosité poignante : Pour Madeleine. Quelque maîtresse, sans doute, une de ces grandes dames chez lesquelles Clairmont fréquentait et que je m’imaginais pareilles à ces patriciennes florentines du xvie siècle, hardies, galantes et lettrées, prêtes à récompenser d’un baiser le poète qui avait enlacé son myrte à leur chevelure.

Les premières pièces étaient propres à confirmer ce pressentiment. J’avais lu quelques passages choisis des petits poètes grecs et latins, qui m’avaient paru froids comme un exercice de rhétorique. Ces amours, ensevelies sous la poussière des siècles, étaient mortes avec la langue même où le poète les avait chantées, et les mots latins m’apparaissaient tels que des urnes cinéraires, vides d’un parfum évanoui.

Ici je retrouvais encore l’éternel thème de volupté, le Da mihi basia mille, les cent, les mille baisers dont la page, écrite d’hier, était toute chaude encore. C’était la révélation d’une poésie que je comprenais à peine, et que je sentais pourtant vivante et vraie.



PUIS, SANS PENSER À L’HEURE TARDIVE…