Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/163

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jeunes gens « d’avenir » pour qui l’avenir ne sera jamais le présent, et, comme tant d’autres, parmi ses contemporains, il eût mérité cette note encourageante que le directeur de l’École de Brienne donnait au petit Napoléon : « Ira loin, si les événements le favorisent… »

Mais Chalouette, incapable de décisions rapides, effaré des risques, négligent des occasions, n’avait pas trouvé le pont d’Arcole, ni vu se lever le soleil d’Austerlitz. Il était allé tout droit devant lui, et pas bien loin, — jusqu’à Limoges.

Douze ans, quinze ans !… Les lauriers sont coupés, et qui donc, maintenant, prononce ce mot démesuré : « la gloire » ?

Ce mot fait sourire M. Chalouette. La gloire est une maîtresse mûre qui affole les jouvenceaux. Et lui n’est plus un amant pour elle. Il n’a plus le caractère ni le physique de l’emploi. Quarante ans, la barbe en pointe, le cheveu rare et grisonnant, un pli entre les sourcils, un lorgnon sur des yeux bleu pâle, un air fatigué… Et cette cravate démodée !… Et cette redingote provinciale !… M. Chalouette, bon mari d’une femme modeste, fonctionnaire sage et point