Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/166

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de côté. Une petite femme rousse, en bleu, s’en va, inquiète et rageuse, vers le boulevard Saint-Michel. Mirame dessine des rosaces, dans les cailloux, avec la pointe de son ombrelle.

« Mirame » ! Ô souvenirs classiques, matin du grand siècle, princesse de théâtre récitant les vers de Richelieu !… Ce nom, parfumé de galanterie précieuse, devenu le sobriquet d’un modèle, avive la curiosité du professeur. Il recule jusqu’à l’extrémité du banc, se tourne à demi… La femme est penchée en avant, le visage caché par une capeline de paille où des rubans, en touffes plates, simulent des roses thé. La jupe de drap gris colle aux hanches ; la taille sans corset, maintenue par la ceinture de daim, ploie mollement ; et la blouse de linon découvre la nuque, ambrée, duvetée, sous les cheveux sombres.

Sept heures sonnent. Les musiciens sont partis et les « Bamboulas », avec leurs petites amies, s’en vont vers les cafés qui sentent l’absinthe. Le ciel est tout en or. Les tambours de la retraite battent, et l’on entend les trompes des tramways.