Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/188

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— Hé là !… pliez la feuille… Que je vous voie, au moins !

Elle s’accota dans l’angle du compartiment.

« Voilà qui m’épargne des frais de conversation, pensa M. Chalouette. Elle a de quoi lire jusqu’à Palaiseau. »

Il alluma une cigarette. Son regard, sa rêverie allaient de la femme au paysage, du présent au passé…

… Un soir d’août, naguère, ils étaient partis, seuls, libres par hasard, et tout surpris de cette liberté périlleuse. Le peintre symboliste décorait un château, en Normandie, et c’était la première fois que la nuit ne séparerait pas les amants.

Ils se tenaient en face l’un de l’autre, dans le wagon, les mains unies, si avides de se voir qu’ils oubliaient de s’embrasser, — et la pensée de cette nuit, de cette première nuit, se mêlait à toutes leurs pensées, donnait à toutes leurs paroles un sens double, un sens secret de promesse amoureuse.

Cléri avait une jupe bleue, un corsage blanc, un grand chapeau de paille et d’absurdes petits souliers. Elle avait une voilette épaisse, —