Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/190

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Il tâtait dans la poche de son gilet, un papier plié qui était le manuscrit d’un poème, et il pensait quelquefois que ce poème était très beau…

    Chère âme, si tu veux, sous le doux ciel d’automne,
    Le doux ciel gris et bleu, clément à nos amours…

L’« automne » était là, non pas sans rime, mais sans raison, parce que ça faisait bien. André Chalouette aimait l’automne. Il le mettait partout.

« Ce soir, pensait-il, je lirai ces vers à Cléri, sur l’oreiller… »

Cette idée, qu’il n’osait formuler en paroles, lui brûlait le sang… Cependant, Cléri était lasse. Elle se pendait au bras de son amant. Elle disait : « Porte-moi ! Oh ! je suis lourde !… » Et lui, fier de sa force jeune, la soulevait comme une gamine… Enfin, une carriole de blanchisseur, qui suivait la même route, les accueillait… Comme ils avaient ri de l’étrange équipage, secoués, jetés l’un sur l’autre, à chaque cahot !

Et, le soir venu, ils avaient dîné sous la tonnelle d’une auberge, aux lueurs d’une lanterne tricolore accrochée parmi la vigne vierge…