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les tiroirs. Celui du milieu, tiré par un anneau, sortit de ses rainures. Il démasquait une planchette de citronnier que le jeu d’un ressort fit glisser, livrant le secret du vieux meuble : une cavité profonde où Geneviève enfonça la main. Elle en ramena une liasse de lettres, une vingtaine environ, toutes pliées dans leurs enveloppes bleutées.

Elle les reprit l’une après l’autre, les touchant comme des choses précieuses, avec une tendresse attentive et mélancolique. Puis elle les réunit en liasse, par ordre de date, en y ajoutant la lettre qu’elle avait reçue le matin. Et elle renoua le ruban.

Soudain elle frémit. Une marche avait craqué. Elle jeta les lettres en tas, dans le secrétaire, repoussa la planchette et le tiroir, releva l’abattant, et elle ôtait la clef de la serrure quand un coup frappé à la porte la fit tressaillir.

Uns voix l’appelait :

« Madame !… Madame !… »

Elle pensa :

— Mon père est mort… On me cherche…

Et elle ouvrit.

Renaude Vipreux, en camisole et en jupon, jeta un vif regard dans la chambre.

Geneviève lui saisit le bras :

— Qu’y a-t-il ?… Il est arrivé quelque chose…

— Non. Rien du tout… Que Madame se rassure !… Je suis désolée de déranger Madame… C’est le domestique du médecin qui est en bas, pour une commission qu’on lui a donnée… Le docteur va demain, en auto, du côté de Gramat. Il offre à Madame de l’emmener et de la mettre à la gare de Beaulieu. Il n’a pas pu écrire parce qu’il est auprès d’un malade. Il s’excuse… Ne trouvant pas Madame dans sa chambre, je me suis inquiétée, mais j’ai aperçu, du jardin, la fenêtre éclairée du second… Alors, je me suis souvenue de cet escalier que Madame m’a montré… Oh ! Comme Madame est pâle !…


(À suivre)