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l’élite de ces inspirées. Mlle Cécile de Multedo, auteur du Chant des mosquées, a uni récemment dans Mirages et chimères (Messein, édit.) des poèmes et des contes africains intéressants par leur frémissante exaltation. Ce sont aussi des contes poétiques qui composent le recueil de Mme Marie-Antoinette Boyer, les Roses de sable (F. Carbonnel, édit), croquis nets et vivants dont la simplicité fait la grâce.


Nouvelles et romans.

Les Soirées de Médan, ce livre collectif des amis de Zola, de l’école naturaliste de 1880, ce volume qui réunit Boule de Suif, chef-d’œuvre de Guy de Maupassant, l’Attaque du moulin d’Émile Zola, Sac au dos de Huysmans, la Saignée d’Henry Céard, l’Affaire du Grand 7 de Léon Hennique, Après la bataille de Paul Alexis, est, de nouveau, présenté par l’éditeur Fasquelle en une belle « édition du Cinquantenaire ». D’autre part, un choix de Contes de Maupassant — dont l’œuvre entier est édité par la maison Conard — fait l’objet d’une « édition d’art » Piazza, pour laquelle M. Edmond Pilon a écrit une fervente introduction.

Les Nouvelles musicales de E. T. A. Hoffmann : « le Chevalier Gluck », « Don Juan », « la Fermata », « le Conseiller Krespel », « les Automates », ont été regroupées en un texte français de MM. Alzir Hella et Olivier Bournac. En avant-propos, une bonne étude de M. André Cœuroy sur ces contes éminemment expressifs de la pratique et de la philosophie musicales du romantisme allemand.

Les romans d’Afrique, du Proche-Orient et de l’Extrême-Orient ont été nombreux dans la production littéraire de ces derniers mois. Nous en avons signalé quelques-uns, nous complétons aujourd’hui, autant que possible, cette revue trop rapide des œuvres où les documents du voyageur donnent une substance solide et pittoresque à l’invention du romancier.

Un beau livre de M. Jean Mélia nous promène parmi les âmes et les horizons d’une Confédération saharienne, au Mzab que les guides appellent « le pays le plus original qui soit au monde » et dont la capitale est Ghardiala (Fasquelle, édit).

Aït Lila (Plon), un récit aux vivants épisodes, a été tiré par M. Jacques Carton de ses souvenirs marocains.


L’Islam sauvage nous apparaît dans un livre curieux où l’on sent la vérité des âmes comme l’on devine la ressemblance de certains portraits dont on n’a point connu les modèles. L’auteur de ces pages (Edit. de la Revue mondiale) signe Cheik Ab-del-Djin, et une gracieuse vignette sur la couverture nous révèle que Cheik Ab-del-Djin est une jeune femme. « Ce livre, nous dit la préface, n’est pas un roman. Tous les événements qu’il rapporte sont rigoureusement exacts. » L’auteur s’excuse d’avoir peut-être alourdi son style d’éloquence, « Mais, pour décrire la poésie, la sauvage beauté de cette race ardente qui ne vibre que dans l’amour ou la haine, il fallait emprunter le langage fleuri du Coran qui cache la subtile parabole. » Ne vous attendez point d’ailleurs à trouver dans ce volume quelques pastiches des Mille et une Nuits. Nous sommes dans la réalité et souvent dans la brutalité de la vie de l’Islam. Et, si le langage de l’auteur est fleuri d’images, ces images sont souvent d’un singulier réalisme.

Dans El Guelmona, marchand de sable (Plon), M. George André Cuel nous conduit jusqu’au seuil du domaine fantastique de la célèbre Antinéa, cependant que M. Abel Moreau nous fait vivre une Nuit syrienne (Nouvelle revue critique) et que le capitaine Georges Ducrocq, dans la Belle Libanaise, nous dit les amours d’une jeune Orientale et d’un officier français. Et voici encore : la Vengeance du pacha, de M. Jean Raneyre (Édition des Libellules) ; Dans la brousse vivante, de M. Jean Lefebvre (La Renaissance du Livre) ; l’Île au cœur double, de M. Claude Eylan (Plon), de curieuses révélations sur l’âme des indigènes de Sumatra ; Ra-taii, de M. G. A. Casalis de Pury, qui nous donne de fort intéressantes indications et révélations sur les mentalités primitives des noirs du Sud-Afrique (Éditions de la Vraie France) ; Bâ-dâm (Fauquelle), roman franco-annamite, écrit — le cas est peut-être unique — en étroite collaboration par un Français, M. Albert de Teneuille, et un Annamite, Truong-Dinh-Tsi. Les auteurs traitent de divers problèmes touchant la colonisation d’Extrême-Orient, et plus particulièrement de celui-ci : y a-t-il lieu de favoriser les mariages de jeunes Françaises avec des indigènes, même imprégnés de civilisation occidentale, mais qui, rentrés dans leur famille, sont repris par le milieu traditionaliste ? Dans Onagan, homme rouge (Malfère, «dit.), M. Joseph-Émile Poirier raconte la tragique histoire d’une famille de Sioux et nous apprend ce qu’on n’a peut-être pas encore osé nous dire sur les derniers Peaux-Rouges.

Études littéraires et philosophiques.

À M. Fabius Henrion nous devons deux nouvelles éditions du texte de l’Introduction à la vie dévote : une édition intégrale, et — parue d’hier — une édition abrégée, qui, spécialement destinée à la jeunesse, contient les pensées et les expressions mêmes du saint, mais avec les coupures nécessaires pour en faciliter la compréhension (Marne, «dit). Saint François de Sales fait sienne, dans la préface de son célèbre ouvrage, cette parole d’un autre grand esprit : « La bonne façon d’apprendre, c’est d’étudier ; la meilleure, c’est d’écouter ; et la très bonne, c’est d’enseigner. » Il écrit de la vie dévote,«sans être dévot, mais non pas, certes, sans désir de le devenir ». Et l’on sait comment ce désir fut exaucé ! Mais l’illustre et pieux écrivain avait, en écrivant l’Introduction à la vie dévote, un but plus généreux que de se perfectionner lui-même : « Mon intention, disait-il, est d’instruire ceux qui vivent ès villes, ès ménages, en la cour, et qui, par leur condition, sont obligés de faire une vie commune, quant à l’extérieur, lesquels, bien souvent sous le pré¬ texte d’une prétendue impossibilité, ne veulent seule¬ ment pas penser à l’entreprise de la vie dévote, leur étant avis que… nul homme né doit prétendre à la palme de la piété chrétienne tandis qu’il vit dans la presse des affaires temporelles. » Ainsi l’Introduction à la vie dévote,

« cet amas d’avertissements de bonne foi », est-il un livre spécialement écrit « pour le monde ». Dans l’édition abrégée que présente M. Fabius Henrion, les cinq parties de l’ouvrage ressortent nettement avec les explications, traductions et annotations qu’elles comportent. Des pointillés en marge mettent en évidence certains passages, d’un intérêt plus actuel ou plus pratique. Remontrances et exercices, avis « pour l’élévation de l’âme à Dieu en l’oraison et aux sacrements », avis « touchant l’exercice des vertus », avis « nécessaires contre les tentations plus ordinaires », exercices et avis « pour renouveler l’âme et la confirmer en la dévotion », rien ne manque, dans cette édition, à peine et intelligemment abrégée, du grand et beau livre destiné à donner à la jeunesse, ainsi qu’à tous les hommes, « un guide dans la vie ».


Le Directeur : René Baschet. — Imp. de L’Illustration, 13, rue Saint-Georges. Paris-9e (France). — L’Imprimeur-Gérant : Th. Huck.