Page:Tinayre - La Chanson du biniou, paru dans Le Monde illustré, 1890.djvu/10

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douce, où s’estampait l’ombre plus chaude des cils… Deux légers bandeaux d’un brun très sombre se relevaient sur les tempes où couraient des veines d’azur. L’ovale allongé, la ligne droite des fins sourcils, la fraîche pâleur des joues s’harmonisaient avec la sévérité du costume monastique. Et Robert évoquait le souvenir des jeunes religieuses qui, dans les tableaux de sainteté, servent les mendiants et les malades et portent le pain de l’aumône dans leurs mains blanches comme des lis. Il admirait les beaux plis mouvants de la robe, le profil délicat, le rêve extatique du regard et le charme suave qui émanait de cette créature si fine, si frêle, si grave.

La voix de la vieille femme appela : « Maria-Josèphe ! » et la jeune fille sortit aussitôt.

— Ah ! pensa Robert, elle porte le nom de la Vierge et de son époux platonique. Décidément, la couleur locale ne fait pas défaut… Elle est jolie, la petite.

Et, tout en dégustant les huîtres minuscules mais exquises, le beurre frais, le vin blanc et les rougets aux chairs vermeilles, il se disait : « Si la petite Bretonne voulait poser, je tiendrais ma médaille au Salon prochain. Elle a du type, de la race… Ce costume de ton nonnette lui sied à ravir… Et puis, ça ferait enrager Mauretors… Décidément, j’ai bien fait d’aller en Bretagne. »



VII


Quand Robert s’éveilla, le matin, dans la grande chambre claire de l’hôtel de Saint-Cornély, il éprouva une sensation d’éblouissement rapide comme s’il était plongé subitement dans un bain de