Page:Tinayre - La Chanson du biniou, paru dans Le Monde illustré, 1890.djvu/19

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dans son armoire. S’il allait, sonnant du biniou dans les villages, c’est qu’il avait aimé par-dessus toutes choses la musique et les chansons, jusqu’au jour où le regard de Maria-Josèphe, plus sombre et plus bleu que la mer, lui était entré jusqu’à sa pauvre âme simple qui n’avait su qu’aimer et ne pouvait que souffrir.


IX


Que devint donc le brave Yann lorsque, dix jours après l’entrevue que nous avons racontée, il entra à l’improviste dans l’auberge, par un après-midi d’été si rayonnant que le beau soleil lui avait mis au cœur un espoir plus doux encore ? Certes il dut sentir au plus vif du cœur la morsure de la jalousie, quand il vit Maria-Josèphe dans ses beaux habits du dimanche, souriante, rougissante et devant elle un jeune homme étranger, de mine élégante et hardie, qui copiait à grands traits sur un album, la forme bien-aimée. Robert Léris ne se dérangea point à l’entrée du Breton ; autre chose l’intéressait vraiment et Yann, dans sa peine et dans sa colère, s’assit brusquement devant le verre de cidre qu’une servante lui apportait… Il étouffait… Décidément la vieille grand’mère le Bihan était tout à fait folle ! Et cette Maria-Josèphe qui riait au Parisien, au monsieur des villes, si bien parlant, si bien vêtu, dont le chapeau de paille claire faisait honte sur la table au grand chapeau du paysan. Ah ! la mauvaise, la mauvaise !…