Page:Tinayre - La Chanson du biniou, paru dans Le Monde illustré, 1890.djvu/33

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— Que dit ce garçon ? demanda le peintre.

— Rien, fit Maria-Josèphe… Il salue, comme c’est l’usage… Et la conversation cessa aussitôt.

Ils remontèrent le Ménec entre deux allées de menhirs qui leur faisaient une avenue triomphale. Les colosses de pierre se rangeaient en onze files parallèles, couvrant la lande solitaire, profondément enfoncés dans le sol par des mains inconnues. Sous la brillante lumière de juillet, le granit se nuançait de teintes roses, les ombres bleues, les pénombres presque lilas. Ils montaient leur garde éternelle, des maisons de Kermario à la plaine du Ménec, écrasant de leur masse et de leur durée, les créatures éphémères qui promenaient devant leurs faces impassibles leur amour d’une heure et leur jeunesse d’un jour. Derrière un bouquet de sapins, un étang luisait, métallique, dans les bruyères. Des gentianes bleues, des étoiles jaunes, tremblant au bout d’un fil rigide, fleurissaient la terre séchée. Dans le ciel, très haut, un oiseau planait, semblant immobile.

— C’est beau, dit Robert.

Et il reprit :

— Le soir, par les crépuscules de nuages, ces vieilles pierres ont l’air méchant. On dirait qu’elles complotent entre elles ou qu’elles se racontent des