Page:Tinayre - La Chanson du biniou, paru dans Le Monde illustré, 1890.djvu/4

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l’agencement des lignes et des couleurs. — Celui qui fixait sur la plaine violâtre que borde à gauche la ligne claire de la mer, des yeux bruns fermés à demi, comme pour juger l’effet d’un ensemble, celui-là avait certainement passé sa vie à manier le crayon ou le pinceau. Et en effet, Robert Léris est un des peintres les plus remarqués de cette nouvelle école qui tente, depuis quelques années, un effort si ardent vers le vrai — effort louable, mais que certains exagèrent au point de tomber dans le trivial. Robert Léris avait toujours évité cet extrême — aussi éloigné du réel que la plus poncive recherche d’élégance — et dont l’avait gardé l’aristocratie native de sa nature raffinée, un peu trop raffinée même. Il plaisait au public par les qualités charmantes de sa manière à la fois sincère et délicate, mais les critiques l’accusaient de préférer la grâce à la force. Ses Boulonnaises, d’une si savoureuse fraîcheur, semblaient un peu de jolies dames travesties. Un article du fameux chroniqueur Mauretors avait piqué au vif la vanité du peintre, et il était parti pour la Bretagne avec la ferme résolution de rapporter un chef-d’œuvre à Paris. Voilà pourquoi nous retrouvons Robert Léris dans le modeste véhicule qui fait lentement le chemin de Plouharnel à Carnac, maudissant intérieurement Mauretors, la peinture et la Bretagne.