Page:Tinayre - La Chanson du biniou, paru dans Le Monde illustré, 1890.djvu/61

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veil, le supplice de la toilette minutieuse, des cérémonies, de l’interminable repas rendu plus long par la grosse gaieté des convives… Puis ce départ furtif, le soir, à pied, dans la lande baignée de lune et ses larmes redoublées en franchissant le seuil de la maison !… Ah ! que lui eût importé la solitude ou la pauvreté de la chaumière, si elle avait dû y entrer joyeuse et rougissante, comme il sied à une mariée du matin… Hélas ! mon Dieu ! on ne refait pas sa vie !… Elle avait pleuré, c’est vrai, mais Yann n’était pour rien dans ses larmes, au contraire… En voilà un qui avait du cœur, de la délicatesse, et de l’esprit même, un esprit étonnant chez un paysan, chez un garçon si modeste, si tranquille, qui faisait si peu de bruit… Vraiment, il avait été bien bon pour elle, respectant sa tristesse, s’éloignant quand il sentait qu’elle désirait rester seule, et, une fois revenu, tâchant de la distraire de son chagrin par des attentions si discrètes, des paroles si bonnes à entendre, comme personne n’en avait bien sûr…

Pauvre Yann !… Il l’avait timidement baisée au front, tremblant, les yeux brouillés, sans pouvoir