Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pittoresque, le mouvement de la vie et les marques du passé. De Naples, on ne voyait rien que Naples elle-même, la Sirène aux tresses bleuâtres, nue, nacrée, dorée, rougissante comme les coquillages voluptueux, emplissant de sa forme infléchie la courbe de son berceau marin.

Et juste à l’horizon du Pausilippe, à la place où la coquille du golfe se creuse plus profondément, où la chevelure de la déesse couchée éparpille ses perles sur le rivage, une masse sombre s’érige contre le ciel. Sa ligne précise et pure continue la ligne de la campagne ondulée, puis monte, largement, très haut, et se brise avec les cassures nettes d’une pierre précieuse. Une vapeur légère interrompt le beau contour qui reparaît et descend en longue pente, tandis que les montagnes sorrentines se reculent et s’entassent dans l’étroite péninsule, fuyant vers la mer le monstre assoupi. C’est le Cyclope aux rouges fureurs, dont l’œil flamboie de jalousie, par les nuits chaudes, quand la Sirène amoureuse secoue sa chevelure de parfums et chante avec ses mille voix la douceur de vivre.

Il était calme, ce jour-là, le Vésuve ! Sa couronne de fumée glissait sur sa rude épaule ravinée, et les ombres des nuages errants lui faisaient un manteau de pourpre obscure, troué et déchiré par la lumière.