Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/129

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Marie ; il ne veut pas se compromettre ; et il veut assurer pourtant à Santaspina l’éloge copieux qui lui est dû…

« Vous ne savez pas, donna Maria, qu’il a joué pour vous, pour vous seule, et qu’un mot de vous le consolera de tous les déboires du métier… »

Marie surprend le coup d’œil du pianiste vers elle, — coup d’œil tendre, orgueilleux et confus, coup d’œil d’artiste dont la vanité enfantine mendie, comme mendient les gamins du pavé : « Un sou… un petit sou !… Nu soldo ! signora bella ! » Marie ne résiste plus. Elle complimente. Elle loue. Elle exagère !… Elle ajoute un dièze aux adjectifs ! Et ça lui coûte un peu de peine, mais ça fait tant plaisir au musicien !

À s’entendre parler ainsi, elle éprouve bien quelque honte… Elle ne se reconnaît plus… Que dirait Claude ?… Il dirait que Naples a déjà troublé et un peu corrompu son amie.


Mentalement prononcé, le nom de Claude fait tressaillir la jeune femme… Claude ! Il était si près d’elle, tout à l’heure, quand elle lui écrivait : « Je suis déçue et triste, et je me souviens… » L’ami bien-aimé rentre dans son âme… Il rentre !… Elle ne l’avait pas senti s’éloigner !

Marie s’interroge… Quoi ? elle a pu oublier Claude, un si long moment, distraite de lui par