Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/188

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— Bah ! c’est l’usage… Personne n’y fait attention… Ce sont des choses naturelles… Savez-vous qu’on a trouvé les mêmes ex-voto, en terre cuite, à Pompéi, dans le temple de Vénus et dans le temple d’Isis ? Nos saints sont les génies antiques, les petits dieux familiers qui ont changé de noms. Notre Madone est une déesse… Elle a pris à l’Aphrodite Uranie sa robe bleue semée d’étoiles.

— Alors, Naples n’est pas chrétienne ?

— Elle ne l’a jamais été… Superstition, tradition, poésie, vieux mythes déformés, gestes rituels, paroles, formules, fétiches, voilà notre christianisme napolitain.

— Je vous avoue qu’il me fait horreur… Quelle morale peuvent avoir ces gens-là ?

— Ils n’en ont pas. Ils ont un certain instinct de fraternité, de charité, qui subsiste chez les plus misérables. Les œuvres d’assistance sont très anciennes et très nombreuses dans notre pays, et l’aide individuelle y est pratiquée, à tous les degrés, par tout le monde… Quand une mère nourrice tombe malade, les voisines allaitent son bébé ; les adoptions sont très fréquentes. On n’est pas méchant à Naples : on est ignorant, immoral et sale, mais pas méchant… Il y a bien des rixes, des duels à quatre, à six, à huit, où les témoins se battent entre eux pour