Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/218

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des grands eucalyptus entrait, forte et salubre, sucrée par le parfum des jeunes fleurs d’orangers. Sur la maison, autour de la maison, tout était lumière, flamme et silence…

Marie bâillait, s’étirait, dans un voluptueux ennui. Le poids de ses cheveux l’irritait. Elle arrachait les épingles, laissait couler les longues tresses. Puis elle reprenait son pinceau, qu’elle replaçait dans le verre, et qu’elle oubliait encore. Elle finissait par s’étendre dans le fauteuil ou sur son lit.

« Je suis souffrante… J’ai trop chaud… Le climat de ce pays est éprouvant… »

Lassitude de l’effort avant l’effort ! N’est-ce pas tout simplement la paresse ? Ce vice était si peu familier à Marie Laubespin qu’elle le prenait pour une maladie !

« Qu’ai-je donc ? se disait-elle… Tout le monde me trouve changée, et je sens bien une espèce de déséquilibre… C’est la faute du pays, de la saison, de Claude qui m’écrit des lettres jalouses, et de tous ces gens qui me tourmentent avec leur manie d’amour… Je n’ose plus sortir avec Angelo, ni causer, ni rire avec lui. Je pense à ce qu’il doit penser et à ce que je penserais, moi, s’il était Claude, et non pas un fantoche napolitain… C’est une hantise gênante, malsaine… Dès qu’Isabelle arrivera, je préparerai