Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/64

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à Pont-sur-Deule et m’intéresser au développement industriel de ma ville… J’insiste auprès du conseil municipal pour qu’on ne démolisse pas les vieilles maisons, pour qu’on ne débaptise point la rue au Chapel-de-roses, mais je ne suis pas offusqué par les cheminées des fabriques et les murs — d’ailleurs affreux — des ateliers. Notre petite ville est une bonne artisane, fière et laborieuse, qui s’habille de grosse laine, mais qui a du linge dans son armoire et de l’argent dans sa cassette… Si je vais en Italie, je peux trouver aussi des villes artisanes, commerçantes, industrieuses, dans la vallée du Pô… T’avouerai-je, mon cher Claude, que je préfère leurs sœurs de Grande-Grèce ou de Sicile, déesses mendiantes, princesses ruinées, ou belles filles toutes nues ; celles enfin qui ressemblent le moins possible à Pont-sur-Deule ? Elles me révèlent, ces païennes, ces voluptueuses, ce que tu n’as jamais senti : la douceur de vivre.

Claude répondit en riant :

— Elles vous démoralisent !

— Peut-être…

— Mon oncle, dit Isabelle, arrêtez-vous. Je crains des révélations qui troubleraient ma tante… Elle ne vous permettrait plus d’aller à Naples, tout seul.

— J’aurai Marie pour me rappeler à la sagesse.