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LA MAISON DU PÉCHÉ

— Je vous dois la vérité, madame, dit M. Forgerus. Lorsque M. de Grandville me proposa de revenir en France pour faire l’éducation de votre fils, j’éprouvai quelque répugnance. Quitter ce collège que nous avions fondé ensemble, abandonner mes élèves, mes travaux, pour une misérable raison de santé… M. de Grandville insista. Il me dépeignit votre caractère, votre existence, la difficulté où vous étiez de trouver un homme qui pût instruire, élever votre enfant, près de vous. Il affirma que j’étais cet homme, malgré mes imperfections, et que je ne pouvais refuser une tâche imposée par Dieu,

— L’abbé de Grandville a raison. Vous ferez œuvre utile, monsieur, et vous augmenterez vos mérites devant le Seigneur, si, par vos soins, mon fils remplit mes espérances, Dès ce jour, ma maison vous est ouverte ; ma gratitude vous est acquise… Vous connaissez l’histoire des Chanteprie ? Vous savez comment ils sacrifièrent affection, repos, honneurs, fortune, à ce qu’ils croyaient être la vérité ? Eh bien, ce n’est pas leur doctrine, c’est leur constance qu’il faut donner en exemple à Augustin. Fils des Chanteprie, il doit rester Chanteprie, attaché à sa foi plus qu’à ses biens, plus qu’à sa fortune, plus qu’à sa vie. Oui, dans ce siècle d’impiété et d’insolence où tant de chrétiens se relâchent et se déshonorent par des compromissions, je veux que mon fils soit un chrétien véritable, chrétien par ses sentiments et par ses actes, scrupuleux, tenace, intransigeant.

— Eh ! madame, dit M. Forgerus en souriant, il n’y a pas deux manières d’être chrétien.

— Cet enfant n’est point gâté. Vous trouverez en