Page:Tinayre - La Maison du péché, 1902.djvu/65

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rapide, parmi des bouquets de bois. Des bois, pressés dans la profondeur, abritaient quelques masures dont le chaume avait le ton brun et chaud d’un vieux velours. Sur le versant opposé du vallon, des bois encore se mêlaient aux cultures, et rejoignaient une haute muraille de forêts, barrant l’horizon.

La maison était bâtie au tournant de la route, contre un massif de châtaigniers et de chênes. On voyait d’abord une barrière à claire-voie, un mur que dépassaient trois tilleuls en charmille, et qui s’enfonçait en contrefort oblique, suivant la déclivité du chemin. Sur un côté de la cour, un petit escalier de pierre accédait à un étroit jardin en terrasse ; de l’autre côté, à l’entrée du bois, un châtaignier de trois cents ans élevait son tronc rugueux, ses énormes branches qu’on avait rognées pour nicher en plein feuillage le toit de la vieille maison. Longue, basse, volets clos sous la dentelle d’une vigne, elle semblait dormir, face au soleil.

L’intérieur du logis était fort délabré : des carreaux décolorés, des poutres apparentes où pendaient des toiles d’araignées, par lambeaux. Madame Lassauguette demanda le prix de la propriété, fit la grimace, et déclara qu’elle dépenserait des « sommes folles » en réparations.

— Oh ! je vous en supplie, ma tante, dit la jeune femme, ne remettez pas tout à neuf. Je m’arrangerai fort bien de ces carreaux, de ces solives, de ces bonnes vieilles fenêtres. Voyez comme tout ici paraît solide, simple, paisible. Cette maison a une âme, et les maisons neuves n’en ont pas. Il y a une sympathie entre elle et moi, ma tante… Je sens sa bienvenue…