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nursery. À vingt ans, dans la fleur de sa beauté et de sa force, l’idée d’une seconde grossesse la faisait frémir.

Jacqueline avait vingt-six ans maintenant et son vœu s’était réalisé. Aucun chagrin n’avait gâté les premières années de son mariage. Pourtant, à penser que toutes les années de sa vie répéteraient celles-là, elle sentait sur son cœur le poids d’un découragement inexprimable ? À quoi avaient-elles servi, ces années ? Et Jacqueline elle-même, que faisait-elle ici-bas de si noble, de si nécessaire ? Elle s’amusait. Son mari l’avait choisie entre cent autres, toutes pareilles : leur amour n’avait rien de rare, ni d’exceptionnel. Qu’étaient-ils, tous deux ? Un couple pareil à la moyenne des autres couples traînant la coquille des habitudes égoïstes et des stériles plaisirs, deux pauvres unités quelconques dans le total des banalités.

Un moment, Jacqueline pensa à l’obscure destinée des mères laborieuses, aux vies que le travail remplit, que le dévouement poétise. Être une mère dans la force du terme, nourrice et éducatrice, sage intendante du commun domaine, ce rôle austère avait sa beauté. Il avait sa douceur peut-être… Mais Jacqueline n’y pouvait plus