Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/142

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truire… et je fais mes robes moi-même, vous savez… Plus tard, je louerai un piano. Je me remettrai à la musique… Je n’étais pas une trop mauvaise musicienne, autrefois… J’ai même donné des leçons.

En prononçant ces mots, elle revit le salon de madame Grancher, et les gens qui dansaient, et Maurice, dans un coin, près d’elle. Il disait tout haut : « Bonsoir, madame », et, tout bas : « Je vous aime… »

Maurice… Comme il avait troublé sa vie, depuis un mois, depuis le fatal entretien qu’elle n’avait pas su rompre !… Elle était maintenant dans l’angoisse perpétuelle de l’attente.

Il n’était pas venu : elle espérait qu’il ne viendrait pas. Sa curiosité satisfaite, sa conscience rassurée, il s’était laissé reprendre au charme de sa vie nouvelle… Près de sa jeune femme, il avait oublié la maîtresse, l’enfant et le dangereux désir qui l’avait un soir, ramené vers Josanne… C’était un garçon prudent.

Il ne viendrait pas.

Et s’il revenait, pourtant, que ferait Josanne ?

Elle-même n’en savait rien. Il y avait en elle deux femmes : celle « d’en haut », la fière, la vaillante, la « rebelle », qui voulait se libérer, guérir et vivre dans sa chaste solitude, — et l’autre, l’inférieure, l’asservie, qui conservait encore, dans son sang et dans ses nerfs, le poison ancien, le besoin des larmes et des caresses, le goût morbide de la souffrance d’amour…

Cependant le groom avait rouvert la porte :

— Madame Valentin !… C’est le monsieur qui attend… Il dit qu’il va s’en aller, et il m’a donné sa carte pour madame.

Josanne prit le petit rectangle de carton.