Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/171

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leur âcreté, leur forme précise… Ils me seront presque doux… »

Parfois encore, elle se reprochait ce qu’elle appelait son imprudence. Elle se disait que Noël, jeune, séduisant, ambitieux, doué par toutes les fées, serait, forcément, séparé d’elle. Elle le voyait, au loin, dans l’avenir, marchant vers le succès, la fortune, l’amour, vers tous les grands bonheurs dont il était digne et qu’il saurait conquérir… Spontanément, elle s’écartait de la route qu’il devrait suivre…

« Il n’oubliera jamais notre amitié. Ni les maîtresses, ni l’épouse, n’effaceront tout à fait le souvenir de l’amie… »

Ces pensées, qui attristaient Josanne, en même temps l’enhardissaient. Son affection croissante pour Noël lui semblait ennoblie, légitimée par ce désintéressement absolu. Elle acceptait la souffrance possible comme une rançon du bonheur présent. Et, de bonne foi, elle s’attendrissait sur elle-même, ne comprenant pas que les hypothèses douloureuses troublaient son imagination seulement… Au fond de Josanne, dans l’inconscient, il y avait une espérance, une quasi certitude, que tout s’arrangerait pour le mieux, que le malheur prévu n’arriverait pas… Qu’arriverait-il donc ?… Quelque chose d’extraordinaire, de vague, d’indéfinissable, mais pas cela, pas cela…

Elle restait pourtant sur la défensive, amicale et même affectueuse, mais réservée, et tout à coup, en plein élan, en pleine effusion, fermant son âme sur des pensées, sur des images inconnues de Noël. Aussi fut-il bien étonné quand elle l’invita à venir chez elle…

— Dimanche, vers cinq heures, voulez-vous ?