Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/173

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sans cadres, « parce que les cadres, c’est cher ! » — et la vieille commode trouvée à Chartres, chez un menuisier, et la grosse théière de cuivre, et les chardons violets dans le vase vert, et, dans le vase jaune, les « monnaies du pape », dont les piécettes nacrées, translucides, tombaient au plus léger frôlement, comme de petites lunes mortes…

Noël feignait de s’intéresser aux meubles, aux bibelots, à tout ce que Josanne aimait. À vrai dire, il ne voyait qu’elle, Josanne. Sa pensée ravie l’enveloppait, la caressait tendrement, lui disait : « Parlez ! souriez !… Parlez encore… Je vous regarde, et je ne vous reconnais pas… Est-ce bien vous ? Est-ce votre âme vraie qui se révèle ?… » Il avait cru la trouver dans un logis sombre, dans une atmosphère de deuil, vêtue de noir, un peu timide encore devant lui… Et il la sentait confiante, joyeuse de recevoir son ami dans sa maison et ne cachant plus sa joie.

— Personne n’a jamais vu tout cela ; personne n’est jamais venu ici, excepté mademoiselle Bon ; mais le monde visible n’existe pas pour mademoiselle Bon…

— Alors je suis le premier qui…

— Oui, le premier… Et, comme vous êtes très artiste, et très difficile, je suis bien fière que vous approuviez mon goût. J’aime tant les choses qui se mêlent à ma vie !… Ce petit vase jaune, je le touche avec tendresse… Et ce rideau, que je vois le matin, comme il me plaît !…

Elle étala, au bout de son bras levé, l’indienne fleurie d’œillets chimériques, où défilaient des éléphants. Les œillets et les éléphants étaient verts et