Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/190

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avait un chapeau comme on en voit aux jeunes filles de Lawrence, un grand chapeau rond et souple, tout en plissés de mousseline noire, avec un nœud plat de satin. Les touffes de ses cheveux étaient molles et lustrées comme les plumes de son écharpe. Une chaînette de jais glissait sur sa gorge… Elle souriait d’un vague sourire, et murmurait parfois :

— Il fait bon, ici !… Il fait bon !…

— C’est que le printemps est venu, dit Noël, pas celui du calendrier : le vrai printemps. Ce matin, à mon réveil, il m’est entré dans les yeux, dans les veines, dans l’âme… Un éblouissement, une onde tiède, et cette allégresse physique où l’on croit sentir, pour la première fois, la douceur de vivre…

— Comme vous aimez la vie !

— Et vous ?

Elle ne répondit pas directement.

— Autrefois, je n’aimais pas le printemps… J’en avais peur.

— Peur ?…

— Vous ne pouvez pas comprendre…

Les paupières de Josanne s’abaissaient, se fermaient nerveusement. Elle revoyait le jardinet de la rue Amyot, un arbuste en fleur, tout blanc, dans le crépuscule. Le vol sifflant des hirondelles fauchait l’air sous sa fenêtre. Le jour plus lent traînait au ciel. Déjà, les couples recommençaient leurs promenades amoureuses, dans les vieilles rue balzaciennes, derrière le Panthéon… Josanne crut respirer l’odeur de l’éther flottant par la chambre ; elle crut entendre la rumeur de la maison ouvrière, la voix de la Tourette, la voix de Pierre Valentin — et elle retrouva l’atroce sensa-