Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/203

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— Tant que ça ?… Votre avenir en dépend ?…

— Qui sait ?

— Zut !

— Bonsoir, ma chère… Excusez-moi…

Il lui baisa la main ; mais, comme il relevait la tête, le regard hostile de Renée heurta son regard. Le jour se retirait, lentement, sous le plafond bas, comme, au déclin d’une liaison, le désir, lentement, se retire des âmes. La femme qui n’avait donné et demandé que le plaisir sentait, par une intuition jalouse, l’homme s’en aller loin d’elle vers la passion. Et le lien qu’elle avait cru si fort n’était plus qu’un fil prêt à se rompre…

Vaniteuse et vindicative, elle faillit, d’un mot, rompre ce fil… Mais Renée Moriceau, malgré sa prudence, avait la secrète lâcheté des êtres sensuels. Elle n’avait jamais aimé et n’aimerait jamais personne. Pourtant quelques hommes lui avaient plu, et Noël mieux que tous les autres. Il lui plaisait mieux encore depuis qu’il s’éloignait d’elle.

Elle était allée le retrouver, l’automne précédent, à Bellagio, et, pendant quinze jours, ils avaient fait l’expérience mélancolique du tête-à-tête. Renée n’avait pas compris que Noël pût être las de ses cheveux blonds et de ses épaules, las de ses drôleries et de ses rosseries, las de cette « élégance » qu’elle affectait… Lui, qui l’avait trouvée désirable et amusante, naguère, la considérait sans illusion, maintenant, et la désirait à peine et ne s’en amusait plus. Bien qu’il se donnât, près d’elle, les airs d’un « sceptique sensuel », il était au fond, sensible et tendre, et il avait déjà la satiété d’un amour tout physique. Cette femme égoïste et