Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vaine, idolâtre d’elle-même, cette agréable marionnette féminine, il la maniait à sa guise, et la rejetterait sans remords, dès qu’elle aurait cessé de plaire : — il était si bien assuré de ne pas lui briser le cœur !

Quand il était revenu en France, cinq mois plus tard, leur liaison s’était renouée… Mais Noël espaçait ses visites, refusait toutes les parties, au théâtre et au restaurant, évitait les Langlois, les Vernet et les autres qui composaient la bande, la petite cour de Renée… Il disait que ces gens l’irritaient par leur médiocrité, leur pauvreté d’âme…

— Mais qu’est-ce qu’il vous prend ? disait Renée, quelquefois. Vous allez tomber dans le socialisme et la philanthropie… Et cette façon que vous avez, de vanter les « intellectuelles »… Votre conversation était plus divertissante que vos livres, autrefois !… Et maintenant vous avez l’air de croire ce que vous écrivez : vous devenez féministe, vous ! C’est grotesque…

Il ne discutait pas. Il haussait les épaules et sifflotait en allumant une cigarette. Son silence poli exaspérait madame Moriceau. Les rendez-vous s’achevaient sur des paroles aigres-douces.

Renée flairait un péril obscur. Il y avait une femme dans la vie de Noël. Quelle femme ?… Maîtresse prochaine ou prochaine fiancée ?… Noël avait horreur du mariage et il redoutait ce qu’on appelle la « liaison sérieuse »… Il n’avait jamais promis d’être fidèle et il eût avoué un caprice… Mais ce n’était pas un caprice qui le rendait si morne, et parfois si amer… Il semblait garder rancune à sa maîtresse des baisers qu’il lui donnait…