Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/216

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il est libre. Il me l’a dit bien des fois… Il n’ira pas au Japon avant l’année prochaine et — qui sait ? — jamais, peut-être… Je suis folle… »

Elle oubliait qu’elle avait considéré le départ de Noël, et la divergence de leurs vies, et même le mariage du jeune homme, comme des fatalités douloureuses qu’elle acceptait, bravement. Elle entrevoyait, avec épouvante, une vie où il ne serait pas. Et elle pensait encore :

« Allons donc ! c’est impossible… »

Mais elle avait froid dans les veines, et, la tête renversée sur le dossier du fauteuil, elle ferma ses paupières, les crispa pour ne pas pleurer.

— C’est impossible, n’est-ce pas ?… dites, mon ami, c’est impossible !… Mon ami… mon ami chéri… mon chéri…

Le mot le plus câlinement familier, le mot qu’elle disait à son enfant, lui venait aux lèvres sans qu’elle s’en aperçût. Et de l’avoir prononcé ainsi, elle demeura tout étonnée, avec un peu de honte et un si grand plaisir que tout son sang lui monta du cœur au visage… Et, sous ses mains couvrant ses yeux et sa bouche, elle répéta tout bas, si bas qu’elle ne l’entendit pas elle-même :

« Mon chéri… mon chéri… mon chéri… »


Un son de cloche tomba de la cathédrale, heurta la vitre sonore, et l’air, autour de Josanne, s’emplit de vibrations profondes. Une cloche, deux cloches… puis, plus lente, une autre cloche, conviant les fidèles au salut.

Le choc du marteau à la porte se perdit dans la