Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/224

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… La secousse du baiser réveilla Josanne. Elle cria, comme dans un cauchemar, et se dressa…

La mousseline des rideaux, les draps du lit, les linges posés sur des chaises, tout ce qui était blanc, dans la chambre, était d’un blanc miraculeux, irréel, trempé de lumière… Une poussière d’argent flottait dans une atmosphère bleuâtre et la pénombre même des coins obscurs devenait vaporeuse et semblait prête à s’éclairer.

Josanne se leva pour clore les rideaux de la fenêtre. Mais elle resta immobile, éblouie, le front contre les carreaux…

L’enchantement du clair de lune planait sur la ville assoupie. Les pignons pointus, le clocheton du patronage, les charmilles de l’Évêché, l’énorme vaisseau de Notre-Dame, n’avaient plus de couleurs ni de nuances, et ne se distinguaient que par les degrés de l’ombre qui allait du gris de cendre au noir profond. Une façade recrépie, une dalle de pierre, çà et là, étaient blanches comme des flaques de lait… Des reflets prismatiques frissonnaient sur le toit de cuivre de la cathédrale. Et les tours semblaient plus hautes, avec leurs flèches légères, grises, fines, qui s’effilaient…

Josanne, oppressée, ouvrit la fenêtre. La caresse de l’air glissa de ses paupières à sa bouche et de sa bouche à ses seins. Le rosier accrocha ses cheveux, effeuilla sur elle ses roses mûres. Et, tressaillante et défaillante, accablée par la nuit trop douce, elle se mit à pleurer…

Elle pleurait sans chagrin, éperdue, confuse, vaincue… Quoi ? Elle avait rêvé cela ? Elle avait désiré