Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/253

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baiser lui arrachait une exclamation… Il avait envie de crier tout haut : « Elle m’aime ! Elle m’aime !… » Puis l’angoisse le tenaillait de nouveau, et il gémissait tout bas : « Comme je l’aime, hélas ! comme je l’aime ! »

Chez Mariette, il ne put manger. Les yeux fixés sur sa montre, il commençait de fumer des cigarettes qu’il laissait éteindre à tout instant.

À huit heures, il s’en alla, et à peine fut-il dans l’escalier de Josanne qu’il redevint très lucide, comme il était aux heures graves de sa vie.

Josanne elle-même lui ouvrit :

— Je suis seule.

— Et Claude ?

— Il dort. Venez !

Il la suivit à travers la salle à manger sombre, jusque dans le salon. La lampe brûlait. Une porte entr’ouverte laissait voir la tenture rose du cabinet de toilette où dormait l’enfant. Parfois on entendait le petit souffle régulier, le bruissement du matelas en balle d’avoine.

— Mon amie, ma chérie !

— Ah ! mon Noël !

Elle s’était jetée contre lui, les bras à son cou, et l’étreignait de toutes ses forces, comme pour le pénétrer de son amour, à elle, de sa volonté, à elle… Puis elle dit :

— Mettez-vous là !

Elle l’obligea de s’asseoir sur le divan tandis qu’elle s’asseyait à ses pieds, la tête levée d’un air d’imploration, d’humilité amoureuse. La lampe répandait un crépuscule faiblement coloré de rose. Un tramway passa.