Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/254

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Ce fut Noël qui parla le premier :

— Écoutez, ma chérie…

Il raconta sa vie… Il avait eu, depuis dix ans, beaucoup de liaisons passagères, plus ou moins amusantes, plus ou moins touchantes, souvent jolies, tristes parfois, mais dont aucune n’avait marqué une trace profonde sur son âme et dans sa mémoire… Bien qu’il ne fût pas méchant, ni « rosse », quelques femmes avaient souffert par lui. D’autres l’avaient fait souffrir…

— Mais tout cela, voyez-vous, c’était peu de chose, bien peu de chose !… Ivresse légère des sens, jeu d’imagination, mirage sentimental… Et, même quand je me disais : « C’est l’amour ! » je ne réussissais pas à me tromper moi-même. Je n’étais pas en confiance auprès de celles que je croyais aimer… Je n’aurais jamais eu l’idée de leur confier mes projets, mes ambitions, mes déboires… Non, jamais !… Tandis que lorsqu’on aime, on se donne, on se livre, on se montre tel qu’on est, on dit tout… Ah ! l’amour, la grande émotion, l’éblouissement, le vertige qui fait chavirer l’orgueil et la volonté, je n’avais jamais connu ça !

— Alors, c’est moi, la première…

— Oui, c’est vous…

— Mais pourquoi ?

— Je ne sais pas… J’ai eu, à Florence, un pressentiment, le soir où j’ai reçu votre lettre… Je vous ai raconté cela, souvent… Et, plus tard, quand j’ai ouvert la porte du petit bureau où vous m’attendiez, ç’a été une des grosses émotions de ma vie.

— Vous étiez auto-suggestionné !

— Vous êtes entrée : une grande jeune femme en robe de deuil…