Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/257

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

elle seule, d’un amour fervent, inquiet, jaloux, avec une simplicité d’enfant, un enthousiasme d’adolescent, une patience de sauvage… De toutes ses forces, il avait voulu conquérir l’âme qui se donnait et se dérobait ! Que de ruses pour saisir la pensée de Josanne au moment même où cette pensée se formait ! Que de pièges involontaires dans une question, dans une allusion banale !… Quelles alternatives de doute et de confiance !… L’inquiétude de Noël avait dompté son désir…

Cependant il avait souffert de voir son amie dans ce milieu un peu équivoque du Monde féminin… Elle subissait les rebuffades de madame Foucart et les familiarités de Flory ; elle allait chez toutes sortes de gens qui la recevaient sans beaucoup d’égards ; elle économisait sur son modeste gain, portait des robes de l’an dernier, dînait chez Mariette et voyageait en troisième classe… Et Noël ne pouvait l’aider, lui rendre la vie plus facile, ouatée de bien-être, fleurie d’un peu de luxe…

Josanne protestait. Noël l’arrêta :

— Chut !… Vous parlerez tout à l’heure…

Et il dit comment il avait eu le désir de tout partager avec elle, de l’épouser…

Elle poussa un cri :

— M’épouser !…

— Certainement… Je ne voyais pas en vous une maîtresse, je voyais ma compagne de toujours, ma femme…

Josanne resta stupéfaite… Elle n’avait songé qu’à l’amour, et les paroles de Noël, au lieu de l’emplir toute de joie et de fierté tendre, la déconcertèrent…