Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/283

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exprimaient une âme exactement opposée à la sienne… Cet inconnu, c’était un être d’une autre race, doux, faible, prudent, un peu féminin, un type d’homme que Noël détestait…

Et toujours la forme confuse reparaissait, liée à la forme chérie de Josanne, et, par les yeux de l’esprit, Noël voyait les scènes d’un roman d’amour semblable au sien… Les causeries, les lectures : — ah ! le petit volume de la Princesse de Clèves, offert un jour de février, qui était, peut-être un anniversaire !… — Les promenades à deux : — est-ce que Josanne appuyait sa tête à l’épaule de son compagnon, avec ce geste adorable qu’elle avait près de Noël ?… Les premières lettres échangées : — qu’étaient devenues ces lettres ?… — les serrements de main, le prénom balbutié, l’aveu… et le grand trouble des regards, des mains, des lèvres… Et Noël, tout à coup, à la lueur rouge de ses pensées, Noël voyait un lieu inconnu, dans une ombre brûlante… Elle et l’autre !… Alors, il cachait sa tête dans l’oreiller, il enfonçait ses ongles dans les paumes de ses mains !… Et c’était la plus abominable minute, une souffrance sans noblesse, qui dégradait la femme aimée, qui salissait l’amour. Noël avait envie de quitter Paris, de ne plus revoir Josanne… Et le lendemain, il arrivait chez elle, et il lui disait seulement :

— Aimez-moi beaucoup, beaucoup, parce que je suis malheureux…

Elle comprenait, elle pleurait !… et Noël, en la consolant, oubliait sa peine. Parfois, elle discutait, et la douleur de l’amant, exagérée par un mot, par un silence subit, devenait de la colère.