Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/299

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yeux là… Et elle l’aime d’être ainsi, volontaire, impérieux, si différent des autres, — les gens sages, les prudents, que le plus petit frein arrête. — Et sa chair de femme s’émeut à l’idée d’une chère violence, que son orgueil d’affranchie eût réprouvée, hier…

— Josanne !…

Elle obéit, heureuse d’obéir. Elle va vers celui qui l’appelle. Il la prend sur ses genoux, effleure les hanches, la gorge, de ses mains qui tremblent, et tout à coup remontent vers la nuque ployée, vers les doux cheveux. Il tient, dans ses paumes ouvertes, la tête renversée de son amie comme une chose précieuse. Il la parcourt de ses lèvres. Josanne voit les yeux de Noël qui se brouillent de larmes, au-dessus de ses yeux grands ouverts.

— Ma chérie ! mon amour !… Tu ne sais pas !… Je ne peux pas te dire… Je t’aime tant !… Mais j’étouffe, j’ai le vertige… Oh ! toi… toi !…

L’étreinte se resserre. La bouche à l’oreille de Josanne, Noël balbutie les mots qui prient, qui soupirent, qui caressent. Elle ne répond pas. Elle lie ses bras autour du cou du jeune homme ; elle sourit encore, et ses paupières s’abaissent, palpitent, disent « oui « tout doucement…


… La chambre est toute petite ; les volets rabattus la font très fraîche et très sombre. Ce n’est pas une jolie chambre. Elle a un air pauvre avec son mobilier banal : un lit de fer, un fauteuil, une toilette, un tapis usé sur le carreau. Mais Josanne, reprise par la sensation de l’irréel et du rêve, demeure indifférente à la médiocrité du lieu. Les demi-ténèbres apaisent la